Qu’est-ce que le snobisme ?

Emprunté en 1845 à l’anglais snobism dérivé lui-même du latin s.nob (« sine nobilitate « ou « sans noblesse ») selon l’Académie française, le snobisme désigne une manière vaniteuse de se comporter à l’égard d’autrui en adoptant les codes d’une classe estimée supérieure et plus largement en admirant ou en adoptant tout ce qui est nouveau ou à la mode.

La signification :

  • Attitude de snob, vanité.
  • Admiration inconditionnelle pour les manières, les opinions en vogue dans les milieux tenus pour distingués et qui se manifeste par une imitation servile de leur comportement.
  • Admiration artificielle pour tout ce qui est nouveau, à la mode.

Un snob cherche à se distinguer du commun des mortels. Désireux d’appartenir à une élite, il tend à reproduire le comportement d’une classe sociale ou intellectuelle qu’il estime supérieure mais à laquelle il n’appartient pas. Pour ce faire, il imite les signes distinctifs de cette classe (langage, goûts, modes ou habitudes de vie). Se donnant des airs supérieurs en adoptant le comportement des gens qu’il tient pour distingués, il traite avec mépris ceux qu’il considère comme ses inférieurs. De façon plus large, un snob cherchera à se démarquer des autres en adoptant tout ce qui est à la mode ou nouveau et en faisant office de représentant d’une minorité précoce ou minorité éclairée toujours en avance sur les autres.

Les origines

Sous l’Empire romain, pour récompenser les plébéiens méritants, l’empereur les autorisait à inscrire leurs enfants dans les écoles réservées à l’élite, aux patriciens, aux nobles. Pour marquer la différence entre les enfants nobles et ceux du peuple, les maîtres inscrivaient « s.nob. » (abréviation de « sine nobilitate ») en face du nom de ces derniers.

Le mot snob a ensuite été repris par les Britanniques. Il se réfère à une forme d’argot en usage dans les années 1820 parmi les étudiants du Collège d’Eton ou de l’université de Cambridge. Selon le Chambers Dictionary, snob signifie « homme de condition modeste ». Au lendemain de la bataille de Waterloo, le Royaume-Uni connut une importante révolution industrielle. Les fils de la bourgeoisie eurent alors accès à de prestigieux établissements scolaires jusque-là fréquentés essentiellement par les enfants de l’aristocratie. Lors des inscriptions à l’université, il y avait le titre de l’élève à coté de son nom, pour les personnes ne faisant pas partie de la noblesse anglais, il y était écrit S.nob, contraction latine de l’expression Sine Nobilitate (sans noblesse). Le terme s.nobs désignait ainsi ces fils de la bourgeoisie par opposition aux nobs, les enfants de la nobility (noblesse), trop jeunes pour porter un titre nobiliaire et simplement qualifiés de « Honorables ». L’Académie française considère le terme de snob comme un exemple de fausse étymologie et de rétroacronymie, son étymologie correspondant au latin « sine nobilitate » (« sans noblesse »).

Dès le début des années 1830, nobs et snobs formaient deux catégories bien distinctes. Le mot passa dans le langage courant en 1848, lorsque parut le Livre des snobs de Thackeray, recueil d’articles publiés par cet auteur dans le magazine satirique Punch, qui popularisa le sens moderne du terme.

L’académicien Jules LEMAÎTRE fit en octobre 1896 la communication suivante sur le snobisme lors d’une séance de l’Académie française :

« Le mot de snob est très employé depuis quelques années, — et par les snobs eux-mêmes comme tous les mots à la mode… Le snob est un mouton de Panurge prétentieux, un mouton qui saute à la file, mais d’un air suffisant. Or, cette docilité vaniteuse, cette fausse hardiesse d’esprits médiocres et vides, cette ardeur pour les nouveautés uniquement parce qu’elles sont des nouveautés ou que l’on croit qu’elles en sont, tout cela est très humain ; et c’est pourquoi, si le mot de snobisme est récent dans le sens où nous employons, la chose elle-même est de tous les temps… »

À la fin du XIXe siècle, Gustave Guiches (1860-1935) écrivit une comédie intitulée Snob, créée le 5 avril 1897 au théâtre de la Renaissance, suivie en 1913 par Der Snob, comédie du dramaturge allemand Carl Sternheim (1878-1942). Dans les premières années du siècle, Bernard Shaw employa le mot « snob » à propos d’un personnage qui jugeait les autres inférieurs à son rang.

Dans À la recherche du temps perdu, Proust trace le portrait d’un certain nombre de snobs : Madame Verdurin et les membres de sa « coterie », l’ingénieur Legrandin et sa sœur la jeune marquise de Cambremer… Comme dans l’acception anglaise, le qualificatif de « snob » se situe à l’opposé de « noble ». Dans La Prisonnière, il évoque une femme « snob bien que duchesse». Le snobisme des personnages de Proust passe par le mimétisme avec la classe jugée supérieure – en l’occurrence, l’aristocratie – et par l’adoption de ses codes, y compris dans la prononciation de certains mots ou patronymes.

En Grande-Bretagne et en Nouvelle-Angleterre, au cours des années 1950, la notion de snobisme a connu un intérêt accru auprès du grand public grâce au double concept de U and non-U. L’initiale U signifiait upper class, la classe dominante et son mode de vie. À l’inverse, non-U désignait non pas les milieux populaires mais la petite bourgeoisie. Cette classification était due au professeur de linguistique Alan S. C. Ross qui en 1954 rédigea un article sur les différences de vocabulaire entre ces deux groupes U et non-U.

La romancière Nancy Mitford écrivit la même année un essai sur ce thème, The English Aristocracy proposant un glossaire comparatif entre des termes apparemment synonymes mais en réalité connotés selon l’appartenance sociale. Par exemple, le mot looking-glass (miroir) était U ; le mot mirror ne l’était pas. Étaient U : drawing-room (salon), scent (parfum), schoolmaster (instituteur), spectacles (lunettes), vegetables (légumes), napkin (serviette de table), lavatory (WC), sofa. À l’inverse, étaient non-U leurs équivalents : lounge, perfume, teacher, glasses, greens, serviette, toilet ou WC, settee. Loin d’en percevoir les intentions humoristiques, le public prit ce texte très au sérieux reflétant peut-être les inquiétudes de la petite bourgeoisie britannique confrontée aux privations de l’après-guerre. Relayée par les médias, l’idée se propagea que chacun pouvait « progresser » en adoptant la culture et les usages d’une classe plus « distinguée » – ou, au contraire, ne le devait à aucun prix.

En France, dans sa chanson J’suis snob (1954), Boris Vian affirme être « encore plus snob que tout à l’heure ». Quelques années plus tard, le personnage de Marie-Chantal, inventé par Jacques Chazot et incarné au cinéma par Marie Laforêt, représentera l’archétype de la jeune femme snob. En 1967, dans l’épisode Meurtres distingués de la série Chapeau melon et bottes de cuir, l’intrigue tourne autour d’une école baptisée S.N.O.B. (Sociability, Nobility, Omnipotence, Breeding). Le professeur principal indique lui-même que le but de cette école est de faire « d’hommes vulgaires et sans éclat, des gentlemen » ».

Fréquemment employés aujourd’hui, les termes de snob et snobisme ne doivent pas être confondus avec les termes dandy et dandysme. Alors que le snob recherche l’approbation du groupe dont il copie les codes jusqu’à gommer sa personnalité, le dandy cherche à se démarquer de la société en adoptant des manières extravagantes. 

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