Prénoms : origine et liberté de choix en France

Le prénom (issu du latin prænomen et désignant dans la Rome antique, le nom placé avant le nom de famille) est un nom personnel utilisé pour désigner une personne, en complément de son patronyme (nom de famille). Il sert à distinguer les différents individus d’un même groupe familial ou portant le même nom. Dans la plupart des langues indo-européennes, il précède le nom de famille.

L’apparition au XIIe siècle du nom de famille suivant le prénom :

Dans les petits groupes humains, le prénom seul suffisait, car un seul terme permettait de désigner l’identité de chacun. Les noms de famille, patronymes, surnoms et postnoms sont apparus lorsqu’un besoin de différenciation s’est avéré nécessaire suite à la hausse de la démographie par exemple.
Jusqu’au XIIe siècle en France, le nom de personne ou nom de baptême (le plus souvent celui d’un des saints du jour de sa naissance) était le nom principal. Pour distinguer les personnes portant le même prénom, il va être peu à peu être lui être accolé différents noms déterminants : nom d’origine géographique, de résidence, de filiation, de parentalité, de métier, ou surnom – souvent lié au physique ou au caractère. Durant les derniers siècles du Moyen Âge en Europe, l’un des déterminants va ainsi devenir nom de famille et prendre une place prépondérante. Le nom de personne ne deviendra plus qu’un « pré-nom », un nom de personnes précédant le nom de famille. Avant 1803, dans la majorité des cas, les enfants se voyaient attribuer un prénom lors de leur baptême inspiré du calendrier ou de l’Ancien et du Nouveau Testament.

De l’encadrement napoléonien à la libéralisation du choix des prénoms :

Avant 1803, il n’existait pas de loi régissant le choix des prénoms en France. Durant la période révolutionnaire et post-révolutionnaire, de nouveaux prénoms comme Marat, Lepelletier, Robespierre, Paix, Constitution ou Brutus apparurent pour signifier une adhésion aux idéaux de la Révolution, ce qui déplut à Napoléon. Le 1er avril 1803, encore consul, il rédigea la loi du 11 Germinal an XI où n’étaient autorisés que « les noms en usage dans les différents calendriers mais aussi ceux des personnages de l’Histoire ancienne. Il était interdit aux officiers publics d’en admettre aucun autre dans leurs actes.

L’éventail des prénoms étant limité, cela va poser des problèmes administratifs. Dans un arrêt du 12 novembre 1964, la Cour de Cassation indiqua que sans état civil, leurs prénoms bretons ayant été refusés, les quatre enfants d’une famille bretonne étaient sans existence légale. Cette famille ne pouvait ainsi revendiquer d’allocations familiales.

Suite à cette affaire, l’instruction ministérielle du 12 avril 1966 (Journal officiel du 3 mai 1966) constitua une première étape dans la libéralisation du prénom. En effet, celle-ci avait pour objectif d’élargir les possibilités en prônant une interprétation libérale de la Loi du 11 germinal an XI, tout en interdisant les « prénoms de pure fantaisie ou aux vocables qui, en raison de leur nature, de leur sens ou de leur forme, ne peuvent normalement constituer des prénoms : noms de famille, de choses, d’animaux ou de qualités, vocables utilisés comme noms ou prénoms de théâtre ou pseudonymes, vocables constituant une onomatopée ou un rappel de faits politiques. » Cependant, la loi n’a pas été modifiée et la circulaire ne s’imposa nullement aux juridictions.
Avec cette instruction ministérielle, les prénoms répondant aux caractéristiques suivantes pouvaient être acceptés par les officiers de l’état civil, sous réserve d’une justification appropriée :

  • certains prénoms tirés de la mythologie (Achille, Diane, Hercule, etc.) ;
  • certains prénoms propres à des idiomes locaux du territoire national (basques, bretons, provençaux, etc.) ;
  • certains prénoms étrangers (tels : Ivan, Nadine, Manfred, James, etc.) ;
  • certains prénoms qui correspondent à des vocables pourvus d’un sens précis ( Olive, Violette, etc.) ou même à d’anciens noms de famille (Gonzague, Régis, Xavier, Chantal, etc.) ; les prénoms composés, à condition qu’ils ne comportent pas plus de deux vocables simples (Jean-Pierre, Marie-France, mais non par exemple : Jean-Paul-Yves, qui accolerait trois prénoms).

La circulaire préconisa « l’admission des prénoms coraniques pour les enfants de Français musulmans », tout en conseillant d’adjoindre un prénom français pour « permettre ultérieurement une meilleure assimilation ».

Les officiers de l’état civil pouvaient également accepter les prénoms suivants, mais avec une certaine prudence :

  • certains diminutifs (« Ginette » pour Geneviève, « Annie » pour Anne, ou même « Line », qui est tiré des prénoms féminins présentant cette désinence) ;
  • certaines contractions de prénoms doubles (« Marianne » pour Marie-Anne, « Marlène » ou « Milène » pour Marie-Hélène, « Maïté » pour Marie-Thérèse, « Sylvianne » pour Sylvie-Anne, etc.) ;
  • certaines variations d’orthographe (par exemple Michèle ou Michelle, Henri ou Henry, Ghislaine ou Guislaine, Madeleine ou Magdeleine, etc.).

En 1981, une seconde étape fut marquée dans la libéralisation du choix du prénom. L’arrêt du 10 juin 1981 de la Cour de cassation énonça que « les parents peuvent notamment choisir comme prénom, sous la réserve générale que dans l’intérêt de l’enfant ils ne soient jugés ridicules, les noms en usage dans les différents calendriers et, alors qu’il n’existe aucune liste officielle des prénoms autorisés, il n’y a pas lieu d’exiger que le calendrier invoqué émane d’une autorité officielle ». L’officier de l’état civil pouvait directement refuser un prénom si celui-ci n’était pas conforme à la règle de bienséance.

Enfin, depuis la loi du 8 janvier 1993, plus aucune contrainte ne régule le choix du prénom par les parents, même si le prénom choisi ne doit pas remettre en cause l’intérêt de l’enfant. L’officier de l’état civil ne dispose plus du pouvoir d’appréciation sur la recevabilité des prénoms même s’il a la possibilité d’informer le Procureur de la République s’il lui semble que le prénom porte atteinte aux intérêts de l’enfant.
Il est désormais possible de changer de prénom en faisant la demande directement à l’officier de l’état civil. Dans le cadre de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, l’article 56 déjudiciarise la procédure de changement de prénom.
L’usage des signes diacritiques des langues régionales dans les actes de l’état civil est néanmoins jugé comme non constitutionnel.

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