Vers holorimes (olorimes) : les vers ludiques de grands auteurs

Les vers holorimes (ou olorimes) sont des vers qui se prononcent entièrement de la même manière tout en étant écrits différemment. La totalité du vers rime avec le vers holorime, et non seulement une ou plusieurs syllabes identiques à la fin de ces vers.

Cette figure de style ancienne a particulièrement été mise en valeur par Jean Goudezki en 1892 dans un sonnet composé d’holorimes dédié à Alphonse Allais intitulé Invitation, écrit au cabaret du Chat noir à Paris. Tenant plus de la prouesse d’écriture, la composition de tels vers holorimes a été portée à un niveau littéraire élevé par Louise de Vilmorin dans l’Alphabet des Aveux. Certains rappeurs ont remis au goût du jour ce type de vers (Nekfeu, …)

« Par les bois du Djinn, où s’entasse de l’effroi,
Parle et bois du gin !… ou cent tasses de lait froid. »

« Aidé, j’adhère au quai ; lâche et rond je m’ébats.
Et déjà, des roquets lâchés rongent mes bas. »

« Ah ! Vois au pont du Loing, de là, vogue en mer, Dante !
Hâve oiseau, pondu loin de la vogue ennuyeuse. »
Alphonse Allais
« Dans ces meubles laqués, rideaux et dais moroses,
Où, dure, Ève d’efforts sa langue irrite (erreur !)
Ou du rêve des forts alanguis rit (terreur !)
Danse, aime, bleu laquais, ris d’oser des mots roses. »
Charles Cros
« Elle sort, là-bas, des menthes,
La belle Ève à l’âme hantée.
Et le sort l’abat, démente…
L’abbé laid va lamenter. »

« L’âme est moirée par mille émois, sans torts.
La mémoire est parmi les mois, centaure. »

« Étonnamment monotone et lasse
Est ton âme en mon automne, hélas ! »
Louise de Vilmorin
« Ah ! ce qu’on sert de faux ré
A ce concert de Fauré »
Lucienne Desnoues
« Danse, prélat ! L’abbé t’apprit l’air en plain-chant !
Dans ce pré-là, la bête a pris l’air en pleins champs. »
Luc Étienne
« Ma femme
M’affame. »
Philippe Geluck
Je t’attends samedi, car Alphonse Allais, car
À l’ombre, à Vaux, l’on gèle. Arrive. Oh ! la campagne !
Allons — bravo ! — longer la rive au lac, en pagne ;
Jette à temps, ça me dit, carafons à l’écart.

Laisse aussi sombrer tes déboires, et dépêche !
L’attrait (puis, sens !) : une omelette au lard nous rit,
Lait, saucisse, ombre, thé des poires et des pêches,
Là, très puissant, un homme l’est tôt. L’art nourrit.

Et, le verre à la main, — t’es-tu décidé ? Roule
Elle verra, là mainte étude s’y déroule,
Ta muse étudiera les bêtes ou les gens !

Comme aux dieux devisant, Hébé (c’est ma compagne)…
Commode, yeux de vice hantés, baissés, m’accompagne…
Amusé tu diras : « L’Hébé te soûle, hé ! Jean ! »
Jean Goudezki
«Mes mensonges c’est vérité, sévérité même en songe »
« Le plaisir des culs plaît, Le plaisir décuplé. »
Marc Hillman

« Ô, fragiles Hébreux ! Allez, Rebecca, tombe !
Offre à Gilles zèbre, œufs. À l’Érèbe hécatombe ! »

« Et ma blême araignée, ogre illogique et las
Aimable, aime à régner, au gris logis qu’elle a. »
Victor Hugo
« L’aubépine dort sale dès qu’on descend dans
l’aube, épine dorsale des condescendants. »
Dominique Massaut
« À Lesbos, à Tyr, l’évangile est appris.
Ah ! Laisse, beau satyre, l’Ève en gilet t’a pris. »
David. P.Massot
« (La reine dit à Gall : « Beau moine rose et gras,
Jusqu’où peux-tu marcher, me tenant dans tes bras ? »)
Gall, amant de la reine, alla, tour magnanime,
Galamment de l’arène à la tour Magne, à Nîmes. »

« Laurent Pichat, virant (coup hardi), bat Empis ;
Lors Empis, chavirant, couard, dit : Bah ! Tant pis ! »
Marc Monnier
« Aventurier de l’inconnu, avant tu riais de l’inconnu »
« D’où sors-tu? Ta douceur tue »
« Jeux vidéo et débats / Je vis des hauts et des bas. »
Nekfeu
« Dans ces bois automnaux, graves et romantiques,
Danse et bois aux tonneaux, graves et rhums antiques. »
Jacques Prévert
« Dans cet antre, lassés de gêner au palais,
Dansaient, entrelacés, deux généraux pas laids. »

« Au Café de la Paix, Grand-Père, il se fait tard.
Oh ! Qu’a fait de la pègre en péril, ce fêtard ? »

« Dans ton site sévère assistant sa prestance,
Danton cite ces vers, assis, stance après stance. »
Lucien Reymond

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