« Être un mouton de Panurge » : origine et signification

Alors que l’expression « être un mouton » se rapporte à celui qui n’a pas de personnalité, suit le mouvement général; l’expression « être un mouton de Panurge » est invoquée pour fustiger l’esprit grégaire. Elle trouve son origine dans l’œuvre de Rabelais.

Signification :

  • suivre instinctivement ce que fait le plus grand nombre et se fondre dans un mouvement collectif sans exercer son esprit critique / suivre un mouvement ou une majorité sans réfléchir;
  • suivre aveuglément ou bêtement le comportement des autres sans réfléchir ou se poser de questions.
  • imiter sans se poser de questions / être un suiveur.

Origine :

L’expression tire son origine de l’histoire contée dans le chapitre VIII du Quart Livre par François Rabelais (1552), même si elle ne s’y trouve pas exactement en ces termes. Ce dernier s’est inspiré des Macaronées de Folengo (1520), où Cingar, afin de venger Balde et son escorte d’un différend avec des paysans, pratique le même stratagème. L’histoire est la suivante :

Alors que Pantagruel et ses compagnons, dont Panurge, parcourent la mer pour consulter l’oracle de la Dive Bouteille, ils abordent un navire de commerce et font connaissance avec les passagers. Une altercation éclate entre le marchand Dindenault et Panurge, le premier s’étant moqué de l’accoutrement ridicule de Panurge. Après un retour au calme, Panurge décide de lui acheter un mouton. La transaction s’éternise car le troupeau appartient à la race de Chrysomallos, le bélier à la toison d’or, expliquant leur coût élevé. Panurge, après avoir en vain essayé d’abréger les boniments du marchand sur les propriétés merveilleuses de ces bêtes, en acquiert finalement une et la jette à l’eau. Le reste du troupeau rejoint instinctivement leur congénère, emportant Dindenault et les autres bergers qui tentent de les retenir en s’accrochant à elles.

« Panurge sans aultre chose dire jette en pleine mer son mouton criant et bellant. Tous les aultres moutons crians et bellant en pareille intonation commencerent soy jecter et saulter en mer aprés à la file. La foulle estoit à qui premier y saulteroit aprés leur compaignon. Possible n’estoit les en guarder. Comme vous sçavez estre du mouton le naturel, tous iours suyvre le premier, quelque part qu’il aille. Aussi le dict Aristoteles lib. 9. de histo. animal. estre les plus sot & inepte animant du monde. Le marchant tout effrayé de ce que davant ses yeulx perir voyoit & noyer ses moutons, s’efforçoit les empecher & retenir tout de son povoir. Mais c’esttoit en vain. Tous à la file saultoient dedans la mer, & perissoient. » Quart Livre-chapitre VIII- François Rabelais.

Un mouton de Panurge fait ainsi référence aux moutons ayant suivi de façon grégaire le mouton acheté et jeté à l’eau avec ruse par Panurge pour se venger du marchand qui l’avait moqué.

L’expression :

Depuis le XVIe siècle, un mouton désigne une « personne crédule, facile à manœuvrer et à duper » (1556). On dit aussi de quelqu’un qu’il a un « caractère de mouton » quand il est « docile et malléable ».

L’expression « être un mouton de Panurge » désigne celui qui imite ce qu’il voit faire par les autres sans se poser de questions. Il s’agit d’un « suiveur » sans personnalité, qui suit le plus grand nombre et se fond dans la masse sans exercer son esprit critique. Le syndrome de Panurge ne conduit pas inévitablement à une suicide collectif irréfléchi mais à un mimétisme instinctif sans appréhension des tenants et des aboutissants de l’acte.

Au delà , « suivre comme un mouton de Panurge » signifie suivre aveuglément sans se préoccuper des conséquences et tenir compte ou réfléchir au danger réel. Il s’agit de l’esprit grégaire poussé à son paroxysme.

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