un coup de Jarnac

« Un coup de Jarnac » : origine et signification

Ayant pris par déformation une connotation de coup déloyal ou traître porté de façon inattendue, l’expression « un coup de Jarnac » illustre à l’origine un coup habile, ingénieux et imprévu.

Signification :

  • coup violent, habile et imprévu;
  • coup déloyal ou pernicieux/ coup porté en traître.

Origine :

Peu avant la mort de François Ier et le sacre de son fils, le Dauphin Henri II, une affaire d’honneur conjugal opposa le seigneur de Jarnac, Guy Chabot de Saint-Gelais au futur roi.
Relevant l’insulte, Guy Chabot provoqua ce dernier, mais le provoquer, c’était provoquer le Roi, qui se devant au royaume ne se battait pas.
Informé de l’affaire et la jugeant comme une affaire de femmes jalouses François Ier, interdit le duel. Avec sa disparition et l’avènement d’Henri II, ce dernier, pressé de se débarrasser du seigneur de Jarnac, accueillit favorablement sa demande de duel et désigna le sire de la Chastaigneraie pour le représenter.
François de Vivonne, réputé pour être un des meilleurs duellistes de France, ami d’ailleurs de Chabot, était le vainqueur attendu par tous. Conscient de son infériorité et pour éviter sa fin prochaine, Chabot prit dans l’intervalle des leçons avec le maître d’armes italien, le capitaine Caize qui lui enseigna un coup de revers inconnu jusque-là. Le combat eut lieu le 10 juillet 1547, sur la terrasse du Château de Saint Germain-en-Laye, sous les yeux de toute la Cour du roi et d’une foule très nombreuse.
Placés face à face au centre de la lice, les deux hommes entrèrent dans un combat « à toute outrance », jusqu’à la mort de l’un des deux.
Prenant tous les risques, Guy Chabot toucha une première fois François de Vivonne sous le genou gauche. Il réitéra son attaque et son adversaire s’effondra perdant son sang en abondance. Le Roi fit cesser alors le combat, jetant son bâton dans le champ en signe de holà. Jarnac fut déclaré vainqueur aux applaudissements de toute l’assemblée.
Abasourdi, le Roi, devant toute la Cour fut obligé d’admettre la victoire du seigneur de Jarnac au détriment de François de Vivonne pour lequel il n’eut aucun un regard, considérant cette défaite comme une trahison. Humilié et malgré les soins pratiqués à sa blessure, la Chastaigneraie préfèra se laisser mourir, deux jours plus tard, en arrachant ses pansements.

Cet épilogue inattendu, qui surprit également la foule, conduisit le Roi, affecté par la disparition de son favori, à décréter l’interdiction du duel judiciaire. En reconnaissant la victoire à ce noble de province, le Roi fit entrer Jarnac dans l’histoire.
Aucun parmi les chroniqueurs de l’époque, ni les gentilshommes du royaume sévères en matières d’honneurs, ne trouva la moindre perfidie dans cette attaque inattendue, estimée loyale et correcte.


L’expression :

Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, l’expression « un coup de Jarnac » était synonyme d’habileté, d’ingéniosité et d’une parfaite loyauté.
Mais en 1771, le dictionnaire de Trévoux (œuvre des Jésuites alors que Jarnac était protestant) fit évoluer la définition du coup de Jarnac en rajoutant, à la définition de de Furetiéres datant de 1727 qui exprimait seulement qu’il s’agissait d’un coup mortel et imprévu, « ce qui se prend toujours en mauvaise part », ajoutant une connotation péjorative .
A la fin du XIXe siècle, Larousse et Littré corrigèrent ce dévoiement de l’expression en écrivant: » le coup fut trouvé fort habile et fournit une expression proverbiale qui a pris un sens odieux; mais c’est un tort de l’usage, le coup de Jarnac n’eut rien de déloyal, c’est un coup loyal mais inattendu, inespéré ».
Cette botte secrète était originaire d’Italie et ce coup était inconnu en France au milieu du XVIe siècle, son utilisation en plein duel ayant été décisive.
De fait, le « coup de Jarnac » est une expression synonyme d’habileté et d’ingéniosité même elle sous-tend de l’imprévu.

Laisser un commentaire