L’origine des noms de famille

L’Insee recense près de 1,3 million de noms de famille différents en France. Une personne sur deux porte un nom de famille très rare (moins de 50 porteurs vivants au moment du recensement) et huit personnes sur dix un nom rare (moins de 500 porteurs vivants au moment du recensement). Environ 300 000 personnes en France seraient les uniques et derniers porteurs de leur patronyme, alors qu’un nombre équivalent de Français se partagent le nom de famille le plus fréquent : Martin. Ces patronymes ont une grande variété de sens et d’origines.

Au début du Moyen Age, les noms de famille n’existaient pas. Avant l’édit de Villers-Cotterêts (par lequel François Ier prescrivit, en 1539, l’usage du français au lieu du latin dans les jugements des tribunaux), il n’y avait pas à proprement parler d’état-civil, pas de nécessité d’être déclaré sous un nom de famille ; seul le nom de baptême (notre « prénom ») était officiel. Nul n’obligeait une personne à porter le même surnom, pas plus qu’à reprendre celui de leur père. Ces noms changeaient à chaque génération.

Ils prenaient ainsi la forme :

  • d’un prénom (nom de baptême):
    • Agathe, Aliénor, Alix, Ariane, Aude, Aurore, Blanche, Brunehaut, Camille, Catherine, Clémence, Clothilde, Colombe, Constance, Cunégonde, Cyrielle, Éléonore, Emma, Ermeline, Eulalie, Flore, Genièvre, Iseult, Jeanne, Justine, Mahut, Malvina, Margaux, Margot, Marguerite, Mathilde, Mélisende, Tiphaine… pour les femmes;
    • Adelphe, Adrien, Anthèlme, Arnaut, Arthur, Aurèle, Barthelemy, Bartholomé, Baudoin, Béranger, Bertrand, Clément, Clotaire, Clovis, Colin, Enguerrand, Eudes, Flavien, Florentin, Gaël, Gaspard, Gaultier, Gauvin, Guillaume, Hermance, Maurin, Nestor, Nortimer, Perceval, Pierrick, Raoul, Robin, Roland, Tancrède, Théobald, Thimotée… pour les hommes.
  • ou d’un prénom suivi d’un surnom : Jean le Gras, Gautier fils Hamelin, Enguerran de Marigny.

Au XIIè siècle avec l’accroissement de la population, pour collecter les impôts, établir le cadastre des terres ou rechercher une personne, cela devint très compliqué du fait de la présence de nombreux homonymes dans chaque village. D’autant que les parents, souvent analphabètes, choisissaient parmi les quelques prénoms connus, tous très communs. Montaigne cite le cas d’un banquet du XIIe siècle où les convives furent invités à se regrouper par noms. Les Guillaume étaient plus de 110 !

Entre les XIe et XIVe siècles presque partout en Europe, on attribua ainsi à chacun un nom de famille, restant d’une génération à l’autre.

Ces noms avaient principalement quatre origines :

  • le prénom (nom de baptême) du chef de famille (père ou plus rarement mère) : Martin fils de Thierry va s’appeler Martin Thierry. Quant au Martin fils de Martin, il s’appellera Martinet, Martineau, Martinel. Plus de 50 % des Français portent un prénom comme nom de famille. Si ce prénom est masculin, on l’appelle patronyme; s’il est féminin, matronyme.
  • la profession de l’intéressé, si possible lorsqu’elle était rare dans chaque village à l’image du forgeron : Fabre, Faivre, Faure, Lefèvre, ou Le Goff (le même métier en breton), du producteur de blé : Fromentin , de l’éleveur de pigeons : Coulomb ou Coulon, du fabricant ou vendeur de fourrures : Pelletier
  • les sobriquets (surnoms liés à une caractéristique physique ou morale, à une anecdote, à un comportement particulier) : Legrand, Leblond, Lesage, Leriche, Le Foll. Ces sobriquets étaient donnés soit par métaphore par exemple lorsqu’on comparait quelqu’un à un animal du fait de son apparence ou sa personnalité ou par métonymie s’il s’occupait d’animaux.
  • les termes géographiques ou topographiques : le principe était de donner comme surnom le lieu où la personne habitait (surnom de voisinage) ou celui dont elle était originaire (surnom de provenance) :
    • un endroit caractéristique du village : Dupont habitait près du pont, Léglise près de l’église, Martin Delaporte (ou Laporte) près de la porte fortifiée.
    • des hameaux ou des fermes isolées.
    • des gens qui vivaient au village, mais étaient originaires d’une autre localité : Paris, Toulouse, Marseille.
    • ceux qui venaient de régions ou de pays plus ou moins éloignés: Poitevin, Savoye, Langlais, Lebreton ou Lespagnol.

La répartition entre ces quatre grandes catégories de noms de famille varie selon les habitudes des populations (les noms basques sont presque tous des toponymes, des noms de lieux).
De plus, même si cela ne signifie pas que le porteur soit de cette origine : 3 % des noms sont d’origine gauloise, 30 % latine, 2 % grecque, 3 % hébraïque, 21 % germanique, et 34 % sont issus de l’ancien français.

Il faut préciser que les dynasties nobles se sont vues désigner par leur nom de terre et se le sont transmis de façon héréditaire bien avant que se dégagent les noms de famille roturiers, aux XIe et XIIe siècles. Le plus ancien nom de France, un nom de lignée mâle (un titre) serait celui de la famille d’Harcourt, connue depuis l’an 966. Le chef viking Rollon ayant obtenu en 911, par le traité de Saint-Clair-sur-Epte, les territoires qui vont constituer la Normandie, il distribua des domaines à ses principaux fidèles qui l’accompagnaient dans ses expéditions contre les Anglais et les Neustriens (habitants du Nord-ouest de la France autour de Soissons). Après la conquête de la Normandie, des terres considérables et notamment la seigneurie d’Harcourt, près de Brionne, furent attribuées pour prix de ses exploits, à Bernard le Danois, dont descendraient les seigneurs d’Harcourt.

À la fin du XIXè siècle, les porteurs d’un nom « d’origine » étant proches de leur point d’origine, il était possible de réaliser une cartographie des patronymes et d’en déduire l’origine de leurs ancêtres. Avec les migrations professionnelles ou familiales, cela s’avère aujourd’hui beaucoup plus difficile.

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