Figure de style (construction) : qu’est-ce que l’aposiopèse ?

Très utilisée dans le genre dramatique, le roman et la poésie, l’aposiopèse est une figure de style de construction de la phrase proche de la suspension ou de la réticence (énoncé inachevé au sens clair).

Définition :

Au terme dérivé du grec ἀποσιώπησις / aposiôpêsis (« action de s’interrompre en parlant ou de cesser de parler, silence » dérivée du verbe « cesser de parler, se taire »), l’aposiopèse est une figure de style consistant à suspendre brusquement une phrase en laissant le soin au lecteur de la compléter.

L’aposiopèse est une ellipse qui exprime une émotion ou une allusion qui se manifeste par une brusque interruption du discours.

Selon Quintilien, rhéteur et pédagogue latin du Iᵉʳ siècle apr. J.-C., il existe la différence suivante entre la réticence et l’aposiopèse : « dans la réticence, on ne voit pas tout d’un coup ce qui manque, et on ne le peut même suppléer qu’à l’aide de plusieurs mots ; … aposiopèse…, on donnera donc ce nom à toute phrase où il y aura quelque chose de retranché. »

Selon la linguiste Nicole Ricalens-Pourchot, l’aposiopèse se distingue de la réticence en ce qu’elle ne continue pas en digression. Contrairement à l’aposiopèse, l’anacoluthe (rupture ou discontinuité dans la construction d’une phrase) ne produit pas de silence, matérialisé par des points de suspension, traduisant une émotion, une hésitation.

Construction :

Cette figure utilise une typographie et une ponctuation particulière (points de suspension, points ou absence de ponctuation). La tirade est comme arrêtée, à charge du lecteur ou de l’auditeur de la terminer.

Utilisation :

En poésie ou dans le roman, instaurant une connivence entre le narrateur et le lecteur, elle s’applique bien aux monologues intérieurs. Dans le genre dramatique, elle est utilisée à des fins comiques pour rythmer les échanges ou tragiques pour exprimer la vive émotion du personnage ou du narrateur. Elle peut aussi marquer une hésitation ou une allusion.

Exemples :

« Lisette. Ah, tirez-moi d’inquiétude ! en un mot qui êtes-vous ? Arlequin. Je suis…n’avez-vous jamais vu de fausse monnaie? savez-vous ce que c’est un louis d’or faux ? Eh bien, je ressemble assez à cela. »Marivaux (Le jeu de l’amour et du hasard)

« Comprenait-il donc, ce condamné, et que du fond de mon avenir… J’étouffais en criant tout ceci. » Albert Camus (L’étranger)

« Je devrais sur l’autel où ta main sacrifie Te… Mais du prix qu’on m’offre, il faut me contenter. » Racine (Athalie)

Citation :

« A chaque fois, que je commence une phrase, docteur, savez-vous, même si je n’en ai pas pour longtemps, à chaque fois que je commence une phrase… » et le docteur : « … votre femme la termine. » – le mari : « Absolument, docteur. Absolument. »

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