Jean d’Ormesson : pensées d’anthologie

Jean Bruno Wladimir François-de-Paule Le Fèvre d’Ormesson dit Jean d’Ormesson est né à Paris le 16 juin 1925 et mort le 5 décembre 2017. Écrivain, chroniqueur, éditorialiste, acteur et philosophe français, il était membre de l’Académie française.

Quelques unes de ses pensées lumineuses :

C’est ça qui me fait peur dans le bonheur : l’usure, la lassitude, l’effilochage.
C’est le langage qui crée l’homme.
C’est quand il y a quelque chose au-dessus de la vie que la vie devient belle.
Ce qu’il y a de mieux dans ce monde, de plus beau, de plus excitant, ce sont les commencements. L’enfance et les matins ont la splendeur des choses neuves. L’existence est souvent terne. Naître est toujours un bonheur.
Cette vie foisonnante de l’histoire est si merveilleusement riche qu’elle réduit à néant les inventions sans génie d’une imagination essoufflée.
Chacun est prisonnier de sa famille, de son milieu, de son métier, de son temps.
Dans une éternité et un infini qui sont fermés à jamais aux êtres dans le temps, Dieu est le nom le plus commode pour le néant et pour le tout.
De part et d’autre de votre présent si fragile, le passé et l’avenir sont des monstres assoiffés de temps.
Depuis le big bang, tout commence à mourir à l’instant même de naître. L’univers n’est qu’un élan vers l’usure et la mort.
Écrire est difficile, parce qu’on est toujours dépassé par son livre.
Être bon dans les médias n’est pas le signe qu’on est un bon écrivain.
Il est plus difficile de prouver à quelqu’un sa bêtise que sa misère.
Il y a de l’esprit ailleurs que dans la pensée des hommes.
Il y a des jours, des mois, des années interminables où il ne se passe presque rien. Il y a des minutes et des secondes qui contiennent tout un monde.
Il y a quelque chose de mieux que de s’agiter : c’est de s’ennuyer. J’écrirais volontiers un éloge de la paresse et de l’ennui. L’ennui est cet état béni où l’esprit désoccupé aspire à faire sortir du néant quelque chose d’informe et déjà d’idéal qui n’existe pas encore. L’ennui est la marque en creux du talent, le tâtonnement du génie.
L’ennui est cet état béni où l’esprit désoccupé aspire à faire sortir du néant quelque chose d’informe et déjà d’idéal qui n’existe pas encore. L’ennui est la marque en creux du talent, le tâtonnement du génie.
L’espace change, l’univers se dilate, et la seule chose qui ne passe pas, c’est ce qui passe sans cesse, le temps.
L’éternité, c’est ce qu’il y a de plus fragile, c’est du papier. Qu’est-ce qui reste de tout le passé ? Non pas les idées, parce qu’elles s’envolent, mais des mots écrits.
La naissance est le lieu de l’inégalité. L’égalité prend sa revanche avec l’approche de la mort.
Là où existe encore quelque chose, là règnent déjà le changement et la contradiction.
La plus haute tâche de la tradition est de rendre au progrès la politesse qu’elle lui doit et de permettre au progrès de surgir de la tradition comme la tradition a surgi du progrès.
La science, la morale, l’histoire se passent très bien de Dieu. Ce sont les hommes qui ne s’en passent pas.
La seule façon pour Dieu de s’exonérer d’une responsabilité écrasante, c’est de ne pas exister. On peut pardonner à Dieu s’il n’existe pas. S’il existe, je crains qu’il ne faille trop souvent le maudire.
La télévision est un spectacle. C’est une tribune, une scène, un journal du monde, un stade, un cirque.
La télévision est une machine à montrer ceux qui y passent et à cacher ceux qui n’y passent pas.
Les hommes ne cessent jamais d’avoir peur. Des mécanismes obscurs nous rongent de l’intérieur. Être heureux est la forme la plus subtile d’un désespoir qui n’ose pas dire son nom.
Les hommes sont un peu comme Dieu : tout ce qu’ils peuvent faire, ils le font. Ou ils le feront.
Les honneurs, je les méprise, mais je ne déteste pas forcément ce que je méprise.
Les passions de la vie, des plus hautes aux plus basses, comme l’argent par exemple, font partie de la vie.
Les traditions – comme les femmes – sont faites pour être à la fois respectées et bousculées.
N’existent que les êtres dans l’espace et le temps. Dieu n’existe pas puisqu’il est éternel.
Ne vous laissez pas abuser. Souvenez-vous de vous méfier. Et même de l’évidence : elle passe son temps à changer. Ne mettez trop haut ni les gens ni les choses. Ne les mettez pas trop bas. Non, ne les mettez pas trop bas. Montez. Renoncez à la haine : elle fait plus de mal à ceux qui l’éprouvent qu’à ceux qui en sont l’objet. Ne cherchez pas à être sage à tout prix. La folie aussi est une sagesse. Et la sagesse, une folie. Fuyez les préceptes et les donneurs de leçons. Jetez ce livre. Faites ce que vous voulez. Et ce que vous pouvez. Pleurez quand il le faut. Riez. J’ai beaucoup ri. J’ai ri du monde et des autres et de moi. Rien n’est très important. Tout est tragique. Tout ce que nous aimons mourra. Et je mourrai moi aussi. La vie est belle.
Nous autres les hommes, nous autres les femmes, nous sommes le sommet et le chef-d’œuvre de la création. Les dinosaures l’ont été aussi, il y a cent millions d’années, son chef-d’œuvre et son sommet. On les trouve maintenant, avec beaucoup de gaieté, sous la terre, dans les musées, dans des films entre Katharine Hepburn et Cary Grant. En dépit de leur pensée et malgré leur orgueil, je doute un peu que le sort lointain des hommes soit beaucoup plus enchanteur que celui des dinosaures. C’est drôle : s’il fallait parier, je parierais plutôt sur Dieu, tombé si bas dans nos sondages, que sur les hommes si contents d’eux.
Passer à la télévision est le rêve de tous les m’as-tu-vu qui, à tort ou à raison, s’imaginent avoir quelques choses à communiquer aux autres.
Peut-être la bicyclette, dans ce monde de machines, était-elle à nos yeux une héritière du cheval ?
Rien n’est plus difficile pour chacun d’entre nous que de situer ce qu’il a fait et de se situer soi-même à sa juste mesure.
Rien n’est plus proche de l’absolu qu’un amour en train de naître.
Tout change. Tout se transforme. Tout s’écroule, Tout reste toujours semblable. Nous ne cessons jamais de rouler entre le bien et le mal, du chagrin à l’espoir et de l’espoir au chagrin, du désir à l’ennui et de l’ennui au désir.
Tout le bonheur du monde est dans l’inattendu.
Tout le problème est de s’élever, de se distinguer, sans se séparer des autres hommes.

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