« Aller à Canossa » : origine et signification

Faisant référence à un épisode historique dont l’empereur allemand Henri IV (1050-1106) fut le héros malheureux, l’expression « aller à Canossa » évoque une demande de pardon désagréable, blessante, humiliante dans laquelle on reconnaît sa faute.

Sa signification :

  • aller demander pardon avec humilité
  • reconnaître ses fautes, ses erreurs de façon humiliante 
  • s’avouer vaincu

L’origine historique :

En 1075, le pape Grégoire VII dans ses Dictatus papae (ou « Dits du pape ») proposa que les évêques soient nommés par lui et non plus par l’empereur et que le pape soit élu par un conclave de cardinaux et non plus par les nobles romains. Cela s’inscrivait dans un mouvement de réforme amorcé par la papauté après l’An Mil pour imposer son autorité, jusque-là très symbolique, sur la chrétienté.

L’empereur Henri IV s’opposa à ces réformes, car les estimant en rupture avec la tradition de soumission du clergé envers le pouvoir laïc en plaçant le pape au-dessus de l’empereur. Henri IV prononça la déposition du pape qui répliqua en l’excommuniant, en le privant des sacrements, et en autorisant ses vassaux à rompre leur serment d’obéissance. Certains seigneurs allemands en profitèrent pour récupérer des biens et des avantages confisqués et élire un roi concurrent. Abandonné de tous, Henri IV franchit les Alpes en plein hiver par un chemin terriblement escarpé pour se rendre auprès de son ennemi, en visite chez la comtesse Mathilde de Toscane, dans son château de Canossa en Italie. D’après la légende, le pape le fit attendre durant trois jours avant de lui pardonner, levant l’excommunication.
De fait, l’humiliation de Canossa déboucha sur la victoire de l’empereur. Il triompha des seigneurs féodaux révoltés en Germanie et, après avoir réuni un concile à sa dévotion, un nouveau pape plus conciliant fut nommé et le grand pape réformateur mourut abandonné de tous.

L’expression « aller à Canossa »

Utilisée pour la première fois par Anastasius Grün, un des meneurs du mouvement libéral autrichien, l’expression a été employée par Bismarck dans le cadre de sa lutte contre l’emprise de l’Église catholique sur l’Allemagne de 1871 à 1878. Après l’introduction de lois interdisant aux religieux de prendre des positions politiques dans le cadre de leur fonction ou anti-jésuite, le pape Pie IX refusa d’accréditer le cardinal Gustave-Adolphe de Hohenlohe-Schillingsfürst en tant qu’ambassadeur auprès du Saint-Siège.

Le chancelier Bismarck proclama le 14 mai 1872 devant le Reichstag : « nous n’irons pas à Canossa ! » (nous ne cèderons pas de façon humiliante aux catholiques en renonçant à ces réformes) immortalisant cette expression.

Il faut noter que même si la pénitence d’Henri IV a pu être assimilée à une feinte plutôt qu’à une humiliation, c’est cette dernière notion (humiliation absolue suite à la soumission devant son pire ennemi) qui est véhiculée dans cette expression.

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