« Travailler pour le roi de Prusse » : origine et signification

À l’origine historique, la locution « travailler pour le roi de Prusse » fait référence au fait de beaucoup travailler pour une maigre récompense.

Signification :

  • travailler pour rien ou pour un salaire dérisoire
  • ne pas être payé de ses peines

Origine :

Apparue dans les textes vers la moitié du XIXe siècle, l’origine de cette expression est incertaine, plusieurs explications étant avancées :

  • Pour certains, les premiers rois de Prusse n’étaient pas généreux. Frédéric-Guillaume Ier (roi en Prusse de 1713 à 1740) payait la solde de ses soldats uniquement 30 jours par mois, bénéficiant gratuitement de leur travail le dernier jour des sept mois de l’année comportant 31 jours. D’une cruauté et d’une avarice sans limites, les ouvriers français employés étaient peu payés.

« C’était un véritable vandale, qui, dans tout son règne, ne songea qu’à amasser de l’argent ; jamais sujets ne furent plus pauvres que les siens. Il avait acheté à vil prix une partie des terres de sa noblesse, laquelle avait mangé bien vite le peu d’argent qu’elle en avait tiré, et la moitié de cet argent était rentré encore dans les coffres du roi par les impôts sur la consommation. Toutes les terres royales étaient affermées à des receveurs qui étaient en même temps exacteurs et juges, de façon que, quand un cultivateur n’avait pas payé au fermier à jour nommé, ce fermier prenait son habit de juge, et condamnait le délinquant au double. Il faut observer que, quand ce même juge ne payait pas le roi le dernier du mois, il était lui-même taxé au double le premier du mois suivant. »

Voltaire
  • Pour d’autres, durant la guerre de Sept Ans (1756-1763), la France connut de nombreuses défaites contre la Prusse et ses maréchaux et ses généraux furent la cible de chansons satiriques dirigées contre Madame de Pompadour, le gouvernement et les chefs de l’armée. Parmi ces chansons, un refrain célèbre d’une chanson 1757 qui se moquait de la défaite du Prince de Soubise à Rossbach disait de façon satirique:

Ah ! qu’il a bien travaillé
Qu’il a bien travaillé pour le roi (bis)
De Prusse.

Il est fait allusion au successeur de Frédéric-Guillaume Ier , Frédéric II, roi de Prusse de 1740 à 1786. Allié aux Anglais, il infligea avec ses 20 000 hommes une défaite honteuse à l’armée franco-autrichienne trois fois plus nombreuse. Despote éclairé, invitant Voltaire à sa cour, la rupture d’alliance avec la France en 1742 et en 1756 et l’alliance avec l’Angleterre ennemie au traité de Westminster furent très mal appréciées en France.

  • Une dernière explication fait référence au traité d’Aix-la-Chapelle de 1748 mettant fin à la succession d’Autriche, instaurant une paix stable ne satisfaisant aucun protagoniste, sauf la Prusse, qui intégrait la Silésie à son royaume. La France, malgré quelques victoires, ne réclama aucun territoire et en rendit certains. Ce qui fut interprété comme renforçant la puissance du royaume de Prusse à nos dépens.

L’expression :

Cette expression, à l’origine historique et à l’humour reflétant l’esprit du siècle des Lumières, se transmit par la suite au fil de l’évolution de l’organisation du travail et de sa rémunération, irriguant les débats sur la question du salaire minimal. Elle comporte quelques variantes : « attendre le roi de Prusse » ou « des dérangements pour le roi de Prusse ».

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