Français soutenu : mode d’emploi à l’écrit et à l’oral

Le registre soutenu s’utilise surtout lorsqu’il s’agit d’écrire des courriers administratifs ou professionnels. En littérature et dans certains articles de presse, il est aussi d’usage.
Dans un entretien professionnel, un échange empreint de politesse et de distinction, il est important de pouvoir maîtriser un niveau de langue soutenu. L’expression orale soutenue est une forme plus courte et acérée de l’expression écrite soutenue.
Version raffiné du registre courant, le registre soutenu requiert l’utilisation d’un vocabulaire riche, de structures de phrases plus complexes, de figures de style plus élaborées ou l’utilisation de modes et de temps de verbes rarement employés dans le langage courant.

Un vocabulaire rare, riche et nuancé



Registre soutenuRegistre courant
abhoreravoir en horreur
alléguerprétexter
auréolerdonner de l’éclat
dissensiondésordre
dispendieuxcher/coûteux
dithyrambiquetrès élogieux
Plus de mots soutenus112 mots de français soutenu

Des figures de style recherchées

Figures de styleExemples
allégorie (représentation indirecte concrète employant une personne/un être animé ou inanimé/une action/une chose, comme signe d’une autre chose, généralement une idée abstraite ou une notion morale difficile à représenter directement) « Mon beau navire, ô ma mémoire »— Guillaume Apollinaire; L’allégorie de la caverne de Platon; L’allégorie de la mort représentée par un squelette armé d’une faux; L’allégorie de l’angoisse : le tableau « Le Cri » d’Edvard Munch
hypallage (consistant à lier deux termes grâce à la syntaxe. Epithète impertinente, elle agit par le décalage de la relation logique entre les éléments d’une phrase)« Qu’au son des guitares nomades, la gitane chante l’amour »— Louis Aragon
synecdoque (utilisée pour exprimer la partie pour le tout, l’espèce pour le genre, la matière pour l’objet ou le concret pour l’abstrait)« Le bateau crache une fumée noire » (pour signifier que de la cheminée du bateau sort de la fumée)
antonomase (fait d’utiliser un nom propre comme un nom commun ou un nom commun comme un nom propre ou de remplacer un nom par une périphrase)« Le Prince des poètes » (pour désigner Pierre de Ronsard)
métonymie (désignant une chose par un autre terme qui convient pour la reconnaître . Il existe une relation logique entre l’objet ou l’idée désignée et le terme, créant une relation de cause à effet, de contenant à contenu, de l’artiste pour l’œuvre, de la ville pour ses habitants)« C’était au temps où Bruxelles chantait »— Jacques Brel
Plus de figures de styleET SI ON UTILISAIT DES FIGURES DE STYLE ? Les connaître et les utiliser (1/2) !

Des phrases plus longues (ou périodes) utilisant une syntaxe plus complexe et une ponctuation élaborée (dont le point virgule)

Exemple : phrase de 856 mots dans Sodome et GomorrheÀ la Recherche du temps perdu-Proust

Sans honneur que précaire, sans liberté que provisoire, jusqu’à la découverte du crime ; sans situation qu’instable, comme pour le poète la veille fêté dans tous les salons, applaudi dans tous les théâtres de Londres, chassé le lendemain de tous les garnis sans pouvoir trouver un oreiller où reposer sa tête, tournant la meule comme Samson et disant comme lui : “Les deux sexes mourront chacun de son côté” ; exclus même, hors les jours de grande infortune où le plus grand nombre se rallie autour de la victime, comme les juifs autour de Dreyfus, de la sympathie – parfois de la société – de leurs semblables, auxquels ils donnent le dégoût de voir ce qu’ils sont, dépeint dans un miroir, qui ne les flattant plus, accuse toutes les tares qu’ils n’avaient pas voulu remarquer chez eux-mêmes et qui leur fait comprendre que ce qu’ils appelaient leur amour (et à quoi, en jouant sur le mot, ils avaient, par sens social, annexé tout ce que la poésie, la peinture, la musique, la chevalerie, l’ascétisme, ont pu ajouter à l’amour) découle non d’un idéal de beauté qu’ils ont élu, mais d’une maladie inguérissable ; comme les juifs encore (sauf quelques-uns qui ne veulent fréquenter que ceux de leur race, ont toujours à la bouche les mots rituels et les plaisanteries consacrées) se fuyant les uns les autres, recherchant ceux qui leur sont le plus opposés, qui ne veulent pas d’eux, pardonnant leurs rebuffades, s’enivrant de leurs complaisances ; mais aussi rassemblés à leurs pareils par l’ostracisme qui les frappe, l’opprobre où ils sont tombés, ayant fini par prendre, par une persécution semblable à celle d’Israël, les caractères physiques et moraux d’une race, parfois beaux, souvent affreux, trouvant (malgré toutes les moqueries dont celui qui, plus mêlé, mieux assimilé à la race adverse, est relativement, en apparence, le moins inverti, accable celui qui l’est demeuré davantage), une détente dans la fréquentation de leurs semblables, et même un appui dans leur existence, si bien que, tout en niant qu’ils soient une race (dont le nom est la plus grande injure), ceux qui parviennent à cacher qu’ils en sont, ils les démasquent volontiers, moins pour leur nuire, ce qu’ils ne détestent pas, que pour s’excuser, et allant chercher comme un médecin l’appendicite l’inversion jusque dans l’histoire, ayant plaisir à rappeler que Socrate était l’un d’eux, comme les Israélites disent de Jésus, sans songer qu’il n’y avait pas d’anormaux quand l’homosexualité était la norme, pas d’anti-chrétiens avant le Christ, que l’opprobre seul fait le crime, parce qu’il n’a laissé subsister que ceux qui étaient réfractaires à toute prédication, à tout exemple, à tout châtiment, en vertu d’une disposition innée tellement spéciale qu’elle répugne plus aux autres hommes (encore qu’elle puisse s’accompagner de hautes qualités morales) que de certains vices qui y contredisent comme le vol, la cruauté, la mauvaise foi, mieux compris, donc plus excusés du commun des hommes ; formant une franc-maçonnerie bien plus étendue, plus efficace et moins soupçonnée que celle des loges, car elle repose sur une identité de goûts, de besoins, d’habitudes, de dangers, d’apprentissage, de savoir, de trafic, de glossaire, et dans laquelle les membres mêmes, qui souhaitent de ne pas se connaître, aussitôt se reconnaissent à des signes naturels ou de convention, involontaires ou voulus, qui signalent un de ses semblables au mendiant dans le grand seigneur à qui il ferme la portière de sa voiture, au père dans le fiancé de sa fille, à celui qui avait voulu se guérir, se confesser, qui avait à se défendre, dans le médecin, dans le prêtre, dans l’avocat qu’il est allé trouver; tous obligés à protéger leur secret, mais ayant leur part d’un secret des autres que le reste de l’humanité ne soupçonne pas et qui fait qu’à eux les romans d’aventure les plus invraisemblables semblent vrais, car dans cette vie romanesque, anachronique, l’ambassadeur est ami du forçat : le prince, avec une certaine liberté d’allures que donne l’éducation aristocratique et qu’un petit bourgeois tremblant n’aurait pas en sortant de chez la duchesse, s’en va conférer avec l’apache ; partie réprouvée de la collectivité humaine, mais partie importante, soupçonnée là où elle n’est pas, étalée, insolente, impunie là où elle n’est pas devinée; comptant des adhérents partout, dans le peuple, dans l’armée, dans le temple, au bagne, sur le trône; vivant enfin, du moins un grand nombre, dans l’intimité caressante et dangereuse avec les hommes de l’autre race, les provoquant, jouant avec eux à parler de son vice comme s’il n’était pas sien, jeu qui est rendu facile par l’aveuglement ou la fausseté des autres, jeu qui peut se prolonger des années jusqu’au jour du scandale où ces dompteurs sont dévorés ; jusque-là obligés de cacher leur vie, de détourner leurs regards d’où ils voudraient se fixer, de les fixer sur ce dont ils voudraient se détourner, de changer le genre de bien des adjectifs dans leur vocabulaire, contrainte sociale, légère auprès de la contrainte intérieure que leur vice, ou ce qu’on nomme improprement ainsi, leur impose non plus à l’égard des autres mais d’eux-mêmes, et de façon qu’à eux-mêmes il ne leur paraisse pas un vice. (SG 614/16 )

Le recours à la forme impersonnelle

certitude, possibilité, doute
il est loisible de, il est indéniable que…
regret, désir ou émotion
il est regrettable que, il est déplorable que…
opinion, observation
il va de soi que, il est judicieux de…
obligation ou nécessité
il est essentiel de,…

L’utilisation du « vous »

Exemple en français soutenuExemple en français courant
vous souhaitiez invoquer la déliquescence de la sociétéTu souhaitais parler de l’éclatement de la société

L’utilisation de la forme interrogative inversée

Exemple en français soutenuExemple en français courant
D’où viens-tu ?D’où est-ce que tu viens ?

L’utilisation de temps L’imparfait et le plus-que-parfait du subjonctif (à l’oral comme à l’écrit)

Exemple en français soutenuExemple en français courant
Il fallait qu’il vîntIl fallait qu’il vienne

Le passé simple et le passé antérieur de l’indicatif (à l’oral) :

Exemple en français soutenuExemple en français courant
Je le crus quand je l’aperçusJe l’ai cru quand je l’ai aperçu


Il faut noter qu’il existe un degré supérieur au niveau soutenu, utilisé dans la poésie et la tragédie et usant d’un vocabulaire spécifique, de constructions archaïques ou sophistiquées, etc. Il s’agit du registre sublime (ou encore, littéraire, noble ou relevé).

Le recours au registre soutenu dépend bien entendu du type d’interlocuteurs, du contexte et de l’intention souhaitée notamment à l’oral, au risque d’apparaître comme déplacé, prétentieux voire comique.

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