L‘expression “s’ennuyer (ou s’embêter) à cent sous de l’heure” apparue à la fin du XIXe siècle montre l’attachement des Français au “sou” (disparu en 1795, mais utilisé durant 1000 ans), toujours utilisé dans le langage courant et présent dans de nombreuses expressions.
Signification :
- s’ennuyer, perdre son temps pour un salaire de misère;
- s’ennuyer au plus haut point, énormément.
Origine:
Pour remédier à la pénurie d’or et développer les échanges, les Carolingiens ont créé en 864 une pièce d’argent (livre) à la place de la pièce d’or (“solidus”) créée par l’empereur Constantin au IVe siècle, valant 1/12e de la pièce d’or. La valeur du nouveau solidus fut fixée à 1/20e de la valeur de la livre d’argent. Appelé soldus, puis solt dès le XIe siècle, puis sol à partir du XIIe siècle, la prononciation “sou” fut définitivement actée au XVIIIe siècle. En 1795, le franc remplaça la livre tournois valant 20 sous (succédant à la livre carolingienne d’argent et à livre parisis d’argent de même valeur). Par la suite, les Français continuèrent d’appeler “sou” le vingtième du franc. Ainsi, la pièce de 5 francs était nommée la « pièce de cent sous » ou « écu » (dans Germinal de Zola). Il faut noter que dans la première moitié du XX e siècle, un salaire de 100 sous ou de 5 francs était considéré comme abusif, voire misérable.
L’expression :
L’expression “s’ennuyer à cent sous de l’heure” est apparue à la fin du XIXe siècle en pleine période de développement industriel et de revendications ouvrières. L’association du verbe “s’ennuyer” ou “s’embêter” et de “à cent sous de l’heure” signifiait que l’on s’ennuyait au travail et qu’en contrepartie, on recevait un salaire misérable (littéralement “on s’ennuyait pour rien”), sort d’un nombre important d’ouvriers ou ouvrières de l’époque.
Par extension, elle a signifié “s’ennuyer énormément, au plus haut point” en perdant peu à peu sa connotation monétaire; sauf à considérer que perdre son temps pour un salaire de misère présentait un coût exorbitant, énorme, à la limite du supportable. S’ennuyer à un coût exorbitant se rapprochait de l’idée de s’ennuyer fortement, à l’excès.
Citation :
“…mais en attendant la sortie on s’em…bête à cent sous de l’heure.” Les enracinées 1903