« Une image d’Épinal » : origine et signification

Utilisée comme expression, une « image d’Épinal », estampe au sujet populaire de style naïf aux couleurs vives, a pris au cours du temps un sens figuré relatif à une vision des choses simpliste, réductrice et exagérément optimiste.

Sa signification :

  • Idée reçue, lieu commun
  • Cliché, stéréotype

Son histoire

En 1796, Jean-Charles Pellerin, maître cartier, fonde une imagerie à Épinal. D’abord artisanale, l’imagerie d’Épinal va devenir peu à peu une véritable industrie.

Durant tout le XIXè siècle, l’imagerie d’Épinal se voudra le reflet des idées morales et politiques du peuple illettré des campagnes. Si ces images sont d’abord religieuses, elles traitent sous Napoléon de thèmes politiques et de société. Au fil du temps, elles deviennent un puissant véhicule idéologique et peuvent être considérées comme le premier média de masse. Elles ont joué un rôle primordial dans la transmission du savoir populaire en illustrant des événements politiques et historiques, allant jusqu’à l’éducation des enfants.

Profondément napoléonien, même si Pellerin eut quelques ennuis avec la censure de la Restauration, de 1829 à 1845, son imagerie va célébrer avec succès l’empereur Napoléon Bonaparte, sa famille, ses maréchaux, ses armées et ses victoires, participant à la construction du mythe napoléonien et à l’accession au pouvoir de Napoléon III qui viendra visiter la fabrique.

La politique devenant de plus en plus absente des thèmes, elle popularisa les thèmes de la morale bourgeoise du XIXè siècle : l’épargne, la charité, l’ascension sociale, le militarisme, le colonialisme.

Au milieu du XIXe siècle, sous l’influence des Pensées de Rousseau les enfants commencent à être sollicités comme consommateurs (poupées à monter, soldats…). Pellerin se tourne vers l’imagerie enfantine, les caricatures, les scènes de genre traitées en bandes dessinées. Les images sous forme de devinettes connaissent un grand succès. En 1851, on ajoute de la dorure aux couleurs, que la clientèle veut toujours plus brillantes et vives. Les thèmes deviennent plus républicains, et Pellerin travaille pour Victor Duruy qui a commandé des planches d’histoire naturelle, puis de leçons de choses et d’hygiène, premier enseignement national par l’image dans les écoles. Certaines planches sont commandées par Gambetta (Ce qu’a fait la République), par Boulanger (Comment on devient général), par Gallieni (pour le gouverneur de Madagascar, on rédige des légendes en malgache), par le Parti socialiste.

Charles Pellerin fut le personnage central de la fabrique au XIXè siècle jusqu’en 1887. Son fils Georges, qui mourut en 1918, la maintiendra jusqu’au début de la Grande Guerre de 1914.

Les journaux illustrés, les bandes dessinées, le recul de l’analphabétisme vont progressivement éliminer les raisons qui firent de l’imagerie d’Épinal au XIXè siècle une sorte de quatrième pouvoir. Au cours du XXè siècle, sa production va peu à peu décliner et connaître un coup d’arrêt avec un dépôt de bilan dans les années 1980 avant d’être reprise par des entrepreneurs de la région, l’Imagerie d’Épinal disposant d’un fonds iconographique de plusieurs centaines de milliers d’images et de plus de 6 000 pierres lithographiques des XIXe et XXe siècle.

Ces images, souvent naïves et simplistes, représentant des scènes ou des personnages agréables à l’œil, sont généralement optimistes et joyeuses. Au sens figuré, une image d’Épinal va ainsi désigner une vision réductrice de la société, ne représentant que le côté positif de la situation; une idée ou un concept jugé dépassé, un cliché, plus adapté à la situation actuelle.

« Une image vaut mille mots ».

Confucius

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