« Par contre » ou « en revanche » ?

Le recours à la locution adverbiale « par contre« , censée appartenir au langage familier, est considéré par certains comme fautif; l’usage d’autres locutions telles que « en revanche« , voire « au contraire », devant être privilégié. Qu’en-est-il ?

La locution « par contre » : du barbarisme à l’usage déconseillé

Bien qu’attestée dès le XVIe siècle, la locution adverbiale « par contre » fut considérée comme un barbarisme par Voltaire et différents grammairiens.

Dans ses Conseils à un journaliste du 10 mai 1737, Voltaire relève ainsi la « barbarie » suivante : « La plupart des gens de lettres qui travaillent en Hollande, où se fait le plus grand commerce de livres, s’infectent d’une autre espèce de barbarie, qui vient du langage des marchands : ils commencent à écrire par contre pour au contraire […]. » La vérité historique est que cette « barbarie » est attestée depuis le 16e siècle, chez Jean Calvin et chez Michel de L’Hospital entre autres ( Le bon usage, 16e édition, 2016, § 965 H5). Jean-François Féraud écrit dans son Dictionnaire critique de la langue française (1787) : « Par contre, adv. pour, au contraire , est un vrai barbarisme. Un Auteur très moderne l’a employé. On le dit aussi communément en Provence. »

Dans le Dictionnaire de la langue française (1863), Littré écrit : « il convient de suivre l’avis de Voltaire et de ne transporter cette locution hors du langage commercial dans aucun style. »

L’Académie française admet dans les sixième (1835) et septième (1878) éditions de son Dictionnaire l’usage « commercial » de cette locution avant de la réintroduire dans la neuvième édition (1992) : « Elle [= la locution par contre ] ne peut donc être considérée comme fautive, mais l’usage s’est établi de la déconseiller, chaque fois que l’emploi d’un autre adverbe est possible. »

L’utilisation de « par contre » approuvée par de nombreux grands auteurs

« Par contre », formé d’une préposition et d’un adverbe, « est entré dans l’usage général, même le plus exigeant, au cours du XIXe siècle, malgré la résistance des puristes » (« Le Bon usage », § 965, e 4°-Grévisse).

De nombreux grands auteurs français connus pour leur maîtrise de la langue française, ont eu recours dans leurs écrits à la locution « par contre » : de Stendhal à Montherlant, en passant par Anatole France, André Gide, Marcel Proust, Jean Giraudoux, Georges Duhamel, Georges Bernanos, Paul Morand, Antoine de Saint-Exupéry,…La rejeter dans le « langage commercial » serait artificiel.

« Par contre  » et « en revanche » : des locutions pas toujours interchangeables

D’après le Grévisse, si « par contre » et « en revanche » sont des locutions adverbiales proches marquant l’opposition, elles ne sont pas toujours interchangeables; car leur sens n’est pas toujours le même.

Si « par contre » marque une opposition franche, notamment à l’énoncé antérieur (« mais d’autre part, mais d’un autre côté »), « en revanche » exprime une idée d’échange, de rétablissement d’équilibre (« en retour, en compensation, en contrepartie »).

De plus, l’orientation argumentative de ces deux locutions n’est pas la même. « Par contre » « introduit souvent un inconvénient, alors que « en compensation » et « en revanche » n’introduisent qu’un avantage.

Ainsi, Gide remarquait à ce propos : Trouveriez-vous décent qu’une femme vous dise : « Oui, mon frère et mon mari sont revenus saufs de la guerre ; en revanche j’y ai perdu mes deux fils » ?

Schéma d’utilisation de « par contre » et de « en revanche »

LocutionStructureExemples
par contrepremier énoncé + par contre (opposition) + énoncé énonçant un inconvénient par rapport au premier énoncé« Jean est un architecte qui fourmille de projets. Par contre, il n’a que peu de réalisations à son actif. »
en revanchepremier énoncé + en revanche (opposition) + énoncé rétablissant l’équilibre et annonçant un avantage par rapport au premier énoncé » Jean est un architecte peu connu du grand public. En revanche, il est acclamé par ses pairs. »

En définitive, si le recours à la locution « par contre » ne peut être considéré comme fautif (mise en opposition avec inconvénient), son usage est déconseillé chaque fois (mise en opposition avec introduction d’un avantage ou rétablissement d’équilibre) que l’emploi d’un autre adverbe (« en revanche« ) est possible.

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